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Lectures
22 juillet 2015

Un écho lacunaire

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« Un écho lacunaire »

BERGOUGNIOUX Pierre

(Fata Morgana)

 

L’adjectif (lacunaire) doit-il agir comme un révélateur de la modestie de Pierre Bergougnioux ? Ou bien, et comme l’imagine le Lecteur, n’indique-t-il pas la volonté de poursuivre en d’autres espaces et dans d’autres moments la réflexion engagée dans cet « écho » (avec la complicité de Jean-Louis Tallon) ? Cette réflexion sur le rôle et la place de la littérature dans un monde en manque de repères ? A travers l’expérience personnelle de l’Auteur, issu d’un milieu modeste et venu à l’écriture parce que lui fut accordé le privilège d’accéder au savoir. Dans une approche qu’il n’est pas vain de qualifier de marxiste. « Seules les classes dominantes ont accès au luxe exorbitant que constitue l’explication approchée, le commentaire réfléchi, splendide, souvent, de leurs intérêts, de leurs usages, de leurs vues, de leurs visages. Seules, elles disposent du loisir que procure l’appropriation du surproduit du travail d’autrui, des dominés, et l’emploient, dans certains cas à « méditer et cognoistre », à écrire, à penser. »

Pierre Bergougnioux traduit de bien belle façon ce que ressent le Lecteur lorsqu’il se confronte à la littérature contemporaine, lorsqu’il mesure trop souvent la profondeur du fossé qui sépare ses attentes (ses exigences) de la réalité du contenu des livres qu’il « consomme » pourtant sans modération. Pierre Bergougnioux éclaire sa réflexion, lui fournit l’aliment. « … En littérature, c’est le point de vue qui crée l’objet. Ce qui se passe échappe à ceux qui en parlent sans y avoir réellement pensé et, par suite, au lectorat qui croit avoir affaire, par leur intermédiaire, à la réalité. La deuxième raison est de nature politique. La perspective d’un changement radical s’est refermée. Le pays a embrassé, voilà vingt ans, les préceptes de la culture marchande. Le domaine éditorial n’a pas échappé à cette conversion. Le livre, qui avait à voir avec le désintéressement, le sens pur, le salut, s’est replié sur la valeur d’échange qu’il possède aussi comme toute marchandise. La politique des « coups » et des coûts, longtemps circonscrite à quelques maisons, a gagné tout le secteur… »

Le regard de Pierre Bergougnioux sur la littérature « qui se fait » répond aux attentes du Lecteur. D’où sans aucun doute la propension de ce dernier à ne pas trouver, à ne pas installer une juste distance avec le propos de l’Ecrivain. Mais c’est que le Lecteur a lui aussi ses partis pris. Au sujet de Céline, par exemple, Pierre Bergougnioux prononce quelques phrases que lui, le Lecteur, n’hésite pas un seul instant à faire siennes. « Le flot de bile qu’a répandu Céline, de bout en bout, est l’expression à la fois spontanée et hautement élaborée des pulsions haineuses, désespérées, fascisantes d’une petite bourgeoisie déboussolée, désemparée par le cours des événements. J’éprouve, à le lire, un violent dégoût que je tiens pour pertinent, juste et n’entends pas transcender, neutraliser par une posture distante, formelle, élégante, idéale, attentive aux seules prouesses verbales. »

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