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Lectures
13 juillet 2015

Je cherche l'Italie

livre_italie

 

 

 

 

 

 

 

 

« Je cherche l’Italie »

HAENEL Yannick

(Gallimard)

 

« Je me disais : si l’Italie est ruinée, si ça va si mal dans ce pays, c’est peut-être parce qu’on y est séquestré dans le ridicule – hypnotisé par la souriante vulgarité de Berlusconi, rabaissé par son inepte slogan. Car rien n’est plus vil, me disais-je, que la répétition de ces deux syllabes : « BUNGA BUNGA » ; et si un tel doublon primal était censé suggérer le caractère des soirées de Berlusconi, il ressemblait pourtant moins à un cri de ralliement en faveur de l’orgie qu’à une proclamation de souillure. » Janvier 2011. Yannick Haenel s’installe à Florence. Il y séjournera quatre ans. Ce livre rassemble des notes, des « impressions », un « ressenti » qui, dans la première partie de l’ouvrage, ont conduit le Lecteur a retrouvé une évidente parenté avec le précédent roman de l’Auteur, « Les renards pâles ». Dont l’intérêt, lié à une observation pleine d’acuité, aux dérives des sociétés contemporaines. Ainsi : « Les convulsions périodiques des marchés financiers n’ont qu’un objet : domestiquer ce qui, du monde, ne l’était pas encore. En absorbant la politique, c’est-à-dire le monde des décisions (et qu’y a-t-il de plus ridicule aujourd’hui qu’une « décision » ?), les marchés n’ont pas seulement limité les espérances des humains, ils ont renforcé leur assujettissement. Lorsqu’il n’existera plus aucune possibilité libre, ils auront achevé leur travail. »

Survient très vite le désenchantement qui pousse Yannick Haenel à se replier vers des domaines littéraires familiers (dont celui de Bataille) et à explorer ce que la culture italienne offre de plus beau. Dante, bien entendu. Mais aussi la multitude des chefs d’œuvres picturaux exposés à Florence et dans son proche environnement. Ou bien encore Saint François d’Assise sur les traces duquel il s’engage dans un cheminement assimilable parfois à un pèlerinage. Ayant établi le constat de « l’auto-achèvement du politique », Yannick Haenel concède à l’Italie de Berlusconi (comme de ses successeurs) une sorte de rôle d’avant-garde. « L’Italie qui semble toujours en retard, l’Italie qui est un pays vieux et lent se révèle, sur le plan des dispositifs de destruction, en avance. Elle rend lisible ce qui frappe en secret les démocraties occidentales : cette paralysie qui est devenue le mode de fonctionnement planétaire du politique, cette mort du politique qui n’en finira plus de vivre comme mort. Ainsi comme il arrive lorsque la ruse domine, sa vieillerie même fait de l’Italie un précurseur. »

Des banlieues françaises en effervescence jusqu’à l’Italie dégénérative, Yannick Haenel installe comme une continuité (plus qu’une parenté). Un vieux monde se meurt. Subsiste-t-il pour autant « la possibilité d’une espérance » ? Dans son cheminement vers des lieux qui caractérisent, qui symbolisent ce que les historiens ont appelé la Renaissance, l’Auteur indique une piste qui continue et élargit celle qu’il avait déjà tracée dans « Les renards pâles ». « J’ai coupé en moi tout lien avec la politique. Je suis silencieux. Mon silence tend vers une révolution ; il s’ouvre à un exode. Et si cet exode est sans fin, c’est aussi que la révolution est déjà là : elle existe, loin du politique, silencieuse. J’entends partout ce silence nouveau. »

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