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Lectures
13 avril 2015

Marina Bellezza

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« Marina Bellezza »

AVALLONE Silvia

(Liana Levi)

 

D’autres s’attarderont peut-être sur les quelques scories, les rares redondances qui émergent ici ou là de ce roman. Le Lecteur, lui, préfère d’emblée clamer son enthousiasme (bien plus qu’il ne le fit après avoir refermé « D’acier », sa première rencontre avec la jeune auteure italienne). Voici une écrivaine qui n’hésite en aucune façon à se coltiner avec la vraie vie, à donner consistance et densité à des personnages qui aident à comprendre le monde tel qu’il va. Même si ce monde s’exhibe sous les parures peu reluisantes du post-berlusconisme. Même s’il se présente sous les apparences de l’affrontement du vieux et du nouveau monde. Celui dont il est si évident qu’il est condamné à disparaître et auquel se substituera celui des paillettes, des images frelatées, mais aussi du renoncement aux valeurs qui constituaient le ciment des sociétés.

C’est l’Italie rurale et montagnarde qui sert de cadre à Silvia Avallone, l’Italie en voie de dépérissement, d’anéantissement. Aux pieds des Dolomites, dans des vallées encaissées, dont les villages se vident de leur peu d’habitants, les paysans de l’autrefois qui vivaient de l’élevage et de la fabrication de quelques fromages. Marina et Andréa sont originaires de cette contrée-là. Lui, fils d’un notable qui fricota avec les néofascistes. Elle, fille de paumés et dont l’enfance s’apparenta à un calvaire. Elle et lui en quête d’une rupture, d’une ouverture vers une vie nouvelle. Elle et lui qui s’accordèrent, à peine sortis de l’adolescence, une histoire d’amour dont ils ne se défirent pas, qui survécut aux tumultes et aux tempêtes. Elle, plus que belle, apparemment obsédée par la réussite berlusconienne, et dont la voix, ajoutée à sa lumineuse beauté, la porte vers une réussite factice accélérée par les jeux initiés par la société du spectacle. Lui, en opposition radicale aux formes traditionnelles de cette réussite-là, la prétendue réussite sociale, et qui n’a de cesse de retrouver les chemins qu’emprunta son aïeul, éleveur de vaches laitières. Tout cela donne naissance à un grand et beau roman social, un roman d’une exceptionnelle humanité constamment traversé par les confrontations et les rapprochements entre les deux principaux protagonistes, mais aussi avec leur environnement, en particulier l’environnement familial. C’est un roman qui réconcilie avec la littérature, qui lui confère le souffle et la virulence les mieux à même de revivifier celles et ceux qui s’y immergent. Soit donc un rendez-vous à ne surtout pas manquer.

« Et pendant qu’aux confins de ce monde, là où la plaine laissait place aux villes et aux autoroutes, l’Italie s’effondrait, s’appauvrissait, se vidait, Andrea était là, victorieux. Il tenait un nouveau-né de quarante kilos dans ses bras. Il le tenait serré contre lui, sale, comme un père tiendrait son fils.

Il lui embrassa le museau, les narines, les petites fentes des yeux. S’aperçut que c’était une femelle, et qu’elle était très jolie. Il l’amena à sa mère, la posa devant elle. Aussitôt la mère commença à la nettoyer. La génisse, les yeux encore fermés, s’accrocha à une mamelle et commença à téter. Alors il pensa à Marina.

Marina, nom de dieu, t’as raté quelque chose.

Les volontaires de la Protection civile, quand ils arrivèrent deux heures plus tard, le trouvèrent comme ça : assis par terre, les jambes croisées et les yeux rouges, à regarder la mère allaiter son petit, et refusant de se lever. »

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