La tribu Bécaille

« La tribu Bécaille »

DHÔTEL André

(Gallimard)

Retour au pays, du moins aux marches du pays. Le pays d’Ardenne. Des marches que le Lecteur n’a jamais fréquentées. Des marches qui bien que proches lui furent étrangères. Il a vécu son enfance et son adolescence à Charleville, dans la proximité de Rimbaud. Il lui fut suggéré (par son père) de fréquenter Jean Rogissart (Prix Renaudot en 1937 pour son roman « Mervale »). L’autre pays, un peu plus au sud, il ne l’a connu que par l’entremise d’André Dhôtel. Soit donc une connaissance livresque. Jamais il ne mit les pieds ni à Rethel ni à Vouziers ni dans aucun des bourgs et des villages de ce pays-là. Son imagination, au filtre des œuvres du romancier (Prix Femina 1955 pour « Le pays où l’on n’arrive jamais »), s’est substituée à la connaissance physique et visuelle. Elle se nourrit aussi des translations entre Charleville et Paris, à la vitesse des trains de la SNCF d’alors, du côté d’Amagne-Lucquy et de Rethel.

Le Lecteur a lu, beaucoup lu André Dhôtel. « La tribu Bécaille » n’est très certainement pas le meilleur des romans écrits par cet écrivain dont on ne parle plus (ou si peu) dans les cénacles littéraires contemporains. Mais c’est un roman utile, un roman « éclairant », une œuvre conséquente. Un roman qui s’enracine dans ce que l’on appelait autrefois « une province ». Un monde clos habité par des communautés vivant en quasi autarcie. Un monde que Dhôtel observe puis décrit avec une minutie de détails, un monde de silences, un monde de non-dits, un monde au sein duquel on s’épie, se jalouse, se hait, où l’on s’aime si peu et si mal. Un monde dont les transgressifs sont exclus ou marginalisés dans le meilleur des cas. Les Bécaille, eux, oscillent entre intégration et exclusion, réussite sociale ou renoncement. Mais ils véhiculent tant de mystères, donc tant de suspicions qu’ils risquent à tout instant de chuter du mauvais côté. C’est dans cette approche que ce roman, pour daté qu’il fût, soulève l’intérêt et passionne parfois.