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Lectures
7 mai 2013

Chronique d'hiver

Chronique

« Chronique d’hiver »

AUSTER Paul

(Actes Sud)

 

L’hiver. « Tu es entré dans l’hiver de ta vie. » La vie de Paul Auster, cet écrivain américain que le Lecteur fréquente de manière assidue. Dont il se sent souvent si proche. Mais jamais cette proximité ne lui parut aussi évidente que dans cette « Chronique d’hiver ». Chronique singulière au cours de laquelle, via le fatras des souvenirs, se dessine le lent, l’inexorable cheminement vers l’hiver de la vie. Un hiver dont l’Ecrivain laisse pressentir qu’il sera source d’inquiétudes mais auquel il abordera avec une apparente sérénité. Quoi de mieux dès lors que de fouiller dans le tiroir aux souvenirs, non pour alimenter ensuite ce qui serait assimilable à une biographie mais pour donner sens à la création littéraire. Quels chemins emprunte-t-on pour devenir écrivain ? Lorsque l’on naquit dans l’immédiat après-guerre et que l’on grandit à Newark (comme Philip Roth, un autre familier du Lecteur, étrange, non ?) ? Lorsque l’on est issu d’une famille israélite ? Mais que l’on est d’abord et avant tout américain ? Et que l’Amérique s’impose à soi dans ses si riches diversités mais aussi dans ses petitesses et sa médiocrité ?

Point besoin cependant d’être un familier de Paul Auster pour s’immerger dans ce récit. Qui se parcourt comme on peut le faire avec un vieil album contenant les instantanés qui racontent une vie. Ceux que l’on commente, auxquels on greffe des anecdotes, que l’on peut même commencer par les dernières pages. Par exemple, Siri (Hustved) endormie. « Ce matin, tu te réveilles dans la pénombre d’une nouvelle aube de janvier, dans une lumière estompée, grisâtre, et il y a le visage de ta femme tourné vers le tien, ses yeux clos – elle est encore profondément endormie, les couvertures remontées jusqu’au cou ne laissent apercevoir d’elle que sa tête, et tu t’émerveilles de la voir si belle, de la voir si jeune, même à présent, trente ans après la première fois que tu as dormi avec elle, après trente ans de vie commune sous le même toit à partager le même lit. »

Une vie, c’est une œuvre qui se construit, dans l’entremêlement des joies et des souffrances, dans la découverte progressive de ce qui vous différencie des autres. Comme l’appartenance à une communauté. « Tu ne peux remonter qu’à tes grands-parents et ne possèdes que très peu de renseignements sur tes arrière-grands-parents maternels, ce qui signifie que les générations qui les précèdent ne sont qu’un espace blanc, un vide peuplé de suppositions et de conjectures aveugles. Tes grands-parents étaient des juifs d’Europe orientale… » Les racines. Si lointaines. Qui interrogent, qui conduisent à modifier le regard de soi, le regard sur soi. « …tu as par conséquent décidé en toute conscience d’être tout le monde, d’englober tout le monde en toi afin d’être pleinement et plus librement toi-même, car savoir qui tu es reste un mystère que tu n’as aucun espoir d’élucider un jour. »

Cette « Chronique d’hiver », la chronique qui précise les contours de l’irruption dans l’âge nouveau, l’âge de l’irrémédiable, cette chronique-là est un moment abouti dans l’œuvre de Paul Auster. Tant elle laisse entendre que survient non pas l’heure de la rupture ni même du repli mais celle d’une nouvelle étape dans la créativité, cette créativité foisonnante qui singularise l’œuvre du romancier américain dont le Lecteur ne s’était jamais senti aussi proche.

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