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Lectures
15 mars 2013

Les Oeuvres de miséricorde

riboulet

« Les Œuvres de miséricorde »

RIBOULET Mathieu

(Verdier)

 

Voilà un texte singulier qui tranche avec l’ordinaire de l’édition franchouillarde. Un texte qui interroge sur des problématiques sur lesquelles le Lecteur s’essaie à réfléchir depuis de longues années. Comment des hommes ont-ils pu devenir, au cours du siècle qui vient de s’achever, les acteurs des guerres les plus insensées que l’humanité ait jamais connues ? Pourquoi cette résignation à subir cette folie sanguinaire, celle-là même qui poussa des millions de jeunes gens, français et allemands à s’entretuer au point d’entremêler leurs cadavres sur les mêmes territoires lors du premier conflit dit mondial ? Pourquoi ce qui est pis que l’aveuglement entraîna le peuple allemand à non seulement subir le joug nazi mais plus encore à se faire l’instrument de la barbarie ? Pourquoi tant de français se résignèrent-ils à accompagner ces mêmes nazis dans leur sinistre besogne ?

Le récit de Mathieu Riboulet n’est évidemment pas réductible à ces seules interrogations si brièvement et si maladroitement consignées. Mais c’est tout de même parmi les insondables « dénaturations » qui furent le fait de deux peuples « civilisés » que l’écrivain s’essaie à trouver ne serait-ce que l’amorce d’une explication. Pour ce faire, il explore le corps de celui qui, en d’autres circonstances, eût pu être « l’ennemi ». Un corps qui consent à être exploré, qui explore lui aussi. Comme si le corps « étranger » contenait les mystères de la fureur humaine. Dont le reflet apparaît si souvent dans les œuvres du Caravage, ces œuvres auxquelles Mathieu Riboulet fait plusieurs fois référence. « Je serre un peu plus son corps de bourreau du Baptiste et l’embrasse, nous rions, repoussons à hier nos corps criblés de balles, torturés, découpés. »

La quête peut-elle aboutir ? Mathieu Riboulet semble en douter, et le Lecteur doute tout autant que lui. « Toucherais-je jamais l’endroit du corps, de l’âme où les nazis oeuvrèrent, le lieu où se dissout ce qui nous tient debout ? » Tout cela n’est pas de l’histoire ancienne. L’abomination n’a pas pris fin le 8 mai 1945. Elle jalonne l’histoire de l’humanité. Elle se répète sous des formes sans doute nouvelles, mais elles sont bel et bien une constante. Il n’est donc d’autre exigence que de tenir la conscience en éveil. « Et si j’étais né dans le Schleswig-Holstein en 1915, aurais-je pu, quelque part en Ukraine, abattre au bord d’une fosse qu’on leur a fait creuser des rangs entiers de Juifs, nus, et pousser de la crosse ou du pied les cadavres rétifs, achever d’une balle ceux à qui il échut de sombrer dans la fosse sans avoir pu mourir ?Aurais-je eu le courage de retourner mon arme contre moi ?... »

Voilà, à n’en pas douter, un livre en tout point remarquable. Puisse-t-il émerger du magma des littératures de pacotille qui s’accumulent sur les rayonnages, y compris dans les librairies les mieux intentionnées ?

Mathieu Riboulet - Les oeuvres de miséricorde

http://www.mollat.com/livres/mathieu-riboulet-les-oeuvres-misericorde-recit-9782864326878.html
Notes de Musique : Henry Purcell - Songs - Here the Deities approve" />
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