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Lectures
26 février 2013

Une vie brève

une vie brève

« Une vie brève »

AUDIN Michèle

(L’Arbalète/Gallimard)

 

« Longtemps, j’ai refusé, non seulement de parler de mes souvenirs d’enfance, mais de parler de lui. » Lui. Maurice Audin. Là, le Lecteur ne peut que pleinement, totalement, viscéralement s’impliquer. Tant Maurice Audin compta pour lui, en ces lointaines années, lorsque la guerre en Algérie égrenait la litanie de ses abominations. Maurice Audin, c’est ce jeune et brillant mathématicien, né en Algérie, membre de ce qui fut le Parti Communiste Algérien (PCA pour celles et ceux qui liront le livre de Michèle Audin) et militant de la cause de l’indépendance de l’Algérie. Maurice Audin, c’est homme de conviction qui, lors de ce que le pouvoir d’alors appela la Bataille d’Alger, fut arrêté, torturé puis assassiné par notre soldatesque. Comment, oui, comment ne pas frémir, comment ne pas être tourneboulé lorsque dans un bref, un incisif paragraphe, Michèle Audin relate les dernières phrases prononcées par son père ?

« Les derniers mots qu’il a dit à ma mère, lorsque les parachutistes l’emmenèrent, furent : « Occupe-toi des enfants. » C’était le mardi 11 juin.

Les derniers mots qu’il a dit à Henri Alleg lorsque les tortionnaires les mirent face à face furent : « C’est dur, Henri. » C’était le mercredi 12 juin. »

Mardi 11 et mercredi 12 juin 1957. Le Lecteur venait tout juste de fêter ses 15 ans.  Le 21 juin 1957, la soldatesque assassinait Maurice Audin, ce jeune homme de tout juste 25 ans. Le Lecteur, lui, ne prit connaissance de cela qu’au tout début des années 60, lorsque s’éveilla sa conscience et qu’autour de lui quelques-uns l’informèrent sur les atrocités commises par tant de ceux qui longtemps plus tard furent inhumés avec tous les honneurs dus aux bons et loyaux serviteurs de la République. Il n’a lui, le Lecteur, de considération qu’à l’égard de la victime de la barbarie. Un martyr. Un Juste.

Michèle Audin, sa fille, ne raconte pas l’histoire. Elle estime, et elle a raison, que d’autres l’ont écrite, que l’enquête conduite par Pierre Vidal-Naquet contient tous les éléments susceptibles d’éclairer la mise à mort du jeune mathématicien. Michèle Audin s’est lancée dans une recherche bien précise : retrouver les plus infimes détails qui puissent lui permettre de connaître enfin ce que fut la personnalité de cet homme qu’elle n’eut pas le temps de connaître. Son père. Alors que plus d’un demi-siècle s’est écoulé, que tant et tant de témoins, parents, proches, amis, ont disparu. Et c’est cette quête que relate Michèle Audin, faisant (re)naître cet homme qui dut s’extirper de la gangue pour atteindre à l’émancipation. Puisque fils de militaire, et destiné, lui aussi, à intégrer l’armée française via ce qui s’appelait alors « les enfants de troupe ». Ne point s’y tromper : il ne s’agit non plus d’une biographie, mais de la mise en relation d’éléments a priori disparates, mais qui mis bout à bout, finissent par donner sens à la (courte) existence de Maurice Audin. Ce qui est tout bonnement passionnant.

Le Lecteur conclut ici son propos. Il lui greffe une citation qu’il destine à ceux qui, à Montpellier, s’essaient toujours à ériger un « musée de la présence française en Algérie ». Michèle Audin précise (page 76) : « Pas plus que vous ne trouverez ici d’exotisme, vous n’y trouverez la nostalgie, l’écoeurante nostalgie-pied-noire, avec les couleurs et les saveurs, l’anisette, le cabanon, la fatma, la mer, le ciel et le soleil. Le monde dans lequel il (Maurice Audin) a vécu n’existe plus, c’est dit, et avec lui a disparu ce dont il avait souhaité la disparition, les fatmas, les colons, la pacification, les enfants analphabètes, dans ce qu’il faut bien appeler l’apartheid colonial. »

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