Chronique de la dérive douce
« Chronique de la dérive douce »
LAFERRIERE Dany
(Grasset)
Roman tout plein de cette lumière qui naît des mots, des phrases si dépouillées qui sont la marque de fabrique de Laferrière. Une œuvre sans aucun doute biographique. L’installation du jeune Dany à Montréal. Les premiers pas dans la cité. La survie. Les premiers petits boulots.
« Chacun muré dans son univers. J’ai quitté une capitale de bavards invétérés pour tomber dans une ville de mordus du silence où les gens préfèrent regarder la télévision plutôt que de s’adresser à leur voisin. La distance qui les sépare semble parfois infranchissable et cela se reflète dans cette agitation pour esquiver le regard de l’autre. »
Ce roman-là, comme tant d’autres romans de Dany Laferrière, se savoure en lisant de nombreux passages à haute voix. Donc en jouant au jeu des citations.
« Dans cette usine située
à la sortie de la ville,
où le recrutement se fait
de bouche à oreille
avec une préférence
pour les sans-papiers,
la loi ne pénètre pas.
La lumière du jour
non plus. »
Mots abrupts. Phrases abruptes. Que le Lecteur trace et retrace encore sur la feuille virtuelle de ses espaces virtuels.
« Prenons juste un moment
pour essayer de comprendre
pourquoi il faut aller travailler.
Je viens de perdre mon temps
car quelle que soit la réponse,
je dois me rendre au boulot dans
moins d’une heure….
Le temps
est
plus impitoyable
qu’un tigre.
Il nous lacère
de l’intérieur. »
Loin, si loin de nos littératures convenues, de nos littératures consensuelles, de nos littératures aseptisées.