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Lectures
19 mai 2012

L'art français de la guerre

jenni

« L’art français de la guerre »

JENNI Alexis

(Gallimard)

 

 

De vieilles badernes ont accordé à ce roman (et à son auteur) le prix Goncourt. Rien de plus normal, somme toute. Certes, ce roman-là raconte ce que furent les dernières années de la franchouillarde splendeur coloniale. Dès les lendemains de la seconde guerre mondiale, en passant par Dien Ben Phu pour s’achever dans les ruelles de la Casbah. Roman apparemment sans concession, roman sur nos guerres bien à nous. Guerres évidemment sanglantes, guerres hideuses, d’autant plus hideuses qu’elles furent conduites dès la fin de l’autre, celle qui s’était conclue à Berlin dans la « fraternelle » rencontre entre militaires soviétiques et américains.

Le Lecteur reste extrêmement perplexe. Entre l’envie de cautionner ce prix Goncourt 2011 sous le prétexte qu’y sont exhibées les abominations perpétrées par la soldatesque de chez nous et son refus de se montrer tout à fait dupe. Quelque chose qui s’apparente à l’idéologie du consensualisme, du style tous des salauds, colonisateurs et colonisés transparaît en effet. En particulier dans ce qui affleure dans les récits de l’ancien militaire et dont se fait écho son élève, puisque l’ex mercenaire enseigne la peinture au narrateur, personnage extrêmement moyen, à l’image de ce que est sensé être le français d’aujourd’hui.

« La pourriture coloniale revient dans les mêmes mots. « La paix pour dix ans », il l’a dit devant moi. Ici, comme là-bas. Et ce « ils » ! Tous les Français l’emploient de connivence. Une complicité discrète unit les Français… » Tous les Français ! Un curieux, un effarant raccourci qui plonge dans l’oubli ceux qui refusèrent la dernière des guerres coloniales.

« En 58, les militaires mirent le Romancier au sommet de l’Etat, où il n’est de place que pour un seul. Il est étrange de penser qu’en cette place faite pour un prince on installa un militaire. Il est étrange que l’on se vouât à un militaire qui ne combattait pas, dont la seule flamboyance était verbale, qui se construisit lui-même avec acharnement par un extraordinaire génie littéraire… » Et si tout cela, ce roman primé, n’était, finalement, que gentillette littérature véhiculant les idéologies dominantes, celles qui amalgament et renvoient dos à dos les dominants et les dominés ?


Alexis Jenni - L'art français de la guerre

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