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Lectures
4 mars 2010

L'ombre de ce que nous avons été

Sepulveda

"L'ombre de ce que nous avons été"
Luis SEPULVEDA (Métailié).
Le Lecteur appartient à cette génération d'hommes et de femmes qui virent dans l'aventure chilienne de la fin des années 60 comme un prélude à leur propre aventure collective. Avant que ne survienne l'abomination, ce 11 septembre 1973, lorsque la soldatesque commandée par Pinochet et financée par la CIA  bombarda la Moneda. La suite? Sepulveda la résume en une phrase: "... pour les vaincus, la vie était devenue une nappe de brouillard, la brume des gens condamnés à préserver leurs plus beaux souvenirs, ces quelques années entre 1968 et 1973, marquées jour après jour par le sourire du plus militant des optimismes."

Ce roman d'un chilien n'est cependant pas celui des nostalgies. Même si le passé obsède, même si les vieux amis, les vieux camarades, trente ans plus tard, n'ont toujours pas cicatrisé toutes leurs blessures. "Ils avaient fait des plans pour prolonger l'amitié et la protéger du cours du temps, avaient été des camarades, des complices dans leurs efforts pour faire du pays un endroit, pas meilleur peut-être, mais moins ennuyeux, jusqu'à l'arrivée de ce matin pluvieux de septembre où, à partir de midi, les horloges commencèrent à indiquer des heures inconnues, des heures de méfiance, des heures où les amitiés s'évanouissaient, disparaissaient, ne laissant que les pleurs épouvantés des veuves et des mères."

Pardonnez au Lecteur s'il s'attarde sur une ou deux citations. Mais, Lui, trente sept ans plus tard, il a toujours ce Chili-là au coeur, le Chili d'Allende, que les mots, les phrases de Sepulveda Lui restituent d'une façon qui le bouleversent.Sepulveda qui vécut la férocité de la soldatesque, qui vécut l'exil.

Reste que le roman n'écrit pas l'Histoire. Le roman utilise des fragments de l'histoire à travers les trois personnages qui, tant d'années plus tard, se retouvent à Santiago pour mener à bien une ultime aventure "militante", une aventure minitieusement préparée et organisée par un viel anar qui fut de tous les combats avant, pendant et après la dictature.

Dans les dernières pages de son roman, Sepulveda offre une clé au Lecteur. "Un homme reconnait la fin de son chemin, le corps envoie des signaux, le merveilleux mécanisme qui permet de rester intelligent et vigilant commence à avoir des ratés, la mémoire fait tout son possible pour le sauver et embellit ce que tu voudrais te rappeler de manière objective. Ne fais jamais confiance à la mémoire car elle est toujours de notre côté; elle enjolive l'atrocité, adoucit l'amertume, met de la lumière là où régnaient les ombres. Elle a toujours une propension à la fiction."

Puissiez-vous, à votre tour, aimer ce que fut le Chili de la jeunesse de Sepulveda. Puissiez-vous, à votre tour, accompagner l'écrivain sans la moindre arrière pensée dans cette confrontation à l'Histoire à laquelle il s'est soumis, avec tous les risques que la mémoire fait courir à des réalités prétendument objectives.

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